MAYOTTE EN FRANCE. ENJEUX ET DEFIS

Le livre Mayotte en France. Enjeux & défis est paru en décembre 2017 aux éditions Les Indes savantes, à Paris. Il regroupe une dizaine d’auteurs. Or l’intense actualité des tensions qui règnent sur l’archipel aura servi de levier aux ventes. Espérons que les lecteurs pourro

Cet ouvrage insère Mayotte dans un rapport d’analyse passant de l’Histoire à l’actualité, celle-ci étant soupesée à l’aune des défis de la forte transition économique, sociale et culturelle qui anime le mouvement d’histoire immédiate. Son originalité est réelle. Il confronte en effet des historiens, des acteurs apportant leur témoignage, des juristes, des politistes, et ce de toutes générations et de toutes idéologies, voire sans idéologie explicite, dans le cadre de l’objectivité académique. Par ailleurs, la diversité des approches méthodologiques et thématiques permet de nourrir des réflexions fécondes. C’est précisément la départementalisation qui a servi de levier à la prise en considération de Mayotte comme un « cas d’étude » académique.

Quelle histoire ?
Tout d’abord, l’on s’interroge : comment un petit territoire s’est-il construit sa propre histoire ? Or des historiens se sont spécialisés dans cette histoire de Mayotte et de son environnement, de l’océan Indien à la côte orientale de l’Afrique, et l’on pensera évidemment aux travaux anciens et récents du professeur Jean Martin, avant d’évoquer les recherches et la thèse soutenue en janvier 2012 par la chercheuse Isabelle Denis. Cela justifie que l’on mobilise cette histoire pour nourrir des réflexions sur l’identité historique de Mayotte, sur ses caractéristiques propres par rapport à l’évolution de La Réunion ou de Maurice, par exemple.

Quel modèle ?
On ne peut que songer à la notion de « modèle ». Est-ce que Mayotte va être capable de concevoir sa propre stratégie de développement et d’intégration, de mettre à jour sa propre « philosophie » sociétale, en vue de cimenter la cohésion de sa société, et de faire mûrir un champ culturel varié, « exotique » donc original, par rapport à l’américanisation ambiante des codes culturels ou à un risque de « métropolisation » ? Des îles (ou archipels) peuvent être érigées en « modèle » : le modèle cubain tout d’abord (communisme), bien sûr, le modèle Fidji (instabilité et incertitude), le modèle Maurice (démocratie, pluralisme ethnique et esprit d’entreprise), le modèle Seychelles-Sainte-Barthélémy (terrain de loisirs pour bourgeoisies moyenne et supérieure), le modèle Jersey-Guernesey-Bahamas (off shore financier et fiscal), etc. D’autres îles-archipels français (Guadeloupe, Martinique, Réunion) peuvent bien sûr eux aussi nourrir le débat, sauf à parler de « contre-modèle » à leur propos (dépendance vis-à-vis des subsides de la Métropole, inégalités fortes, urbanisation et déclin d’une économie rurale autonome, etc.).

On s’est interrogé sur le « modèle » de développement et de mode de vie, sur l’architecture de la préservation des équilibres naturels, ruraux, maritimes, sociaux, patrimoniaux. L’on doit se demander si les Mahorais, leurs institutions représentatives (Conseil général, Chambre de commerce et d’industrie, patronat, syndicats, etc.), leurs élus, leurs associations ont entrepris d’esquisser, de concevoir, de mettre en œuvre, en osmose avec la Métropole et, on le souhaite, en coopération avec l’archipel des Comores tout proche, avec lequel Mayotte entretient des relations troublées par les événements des derniers lustres du XXe siècle.

Contribuer aux débats
L’objectif aura été de relier le thème de la réforme institutionnelle ayant permis de resserrer les liens entre Mayotte et la République française avec les diverses constituantes culturelles, sociales, économiques, maritimes, de l’héritage légué par l’histoire de l’île aux acteurs et parties prenantes de ces mutations. Il s’agit de préciser les articulations essentielles de l’évolution historique de l’île, les enjeux politiques, institutionnels, économiques, sociaux et culturels auxquels elle a été confrontée à l’époque contemporaine quand elle a été confrontée aux défis de concilier son ancrage dans l’aire de l’océan Indien et son rattachement aux destinées françaises.

Par une série de chapitres thématiques, contenant en eux-mêmes des approches à la fois chronologiques et problématisantes, l’ouvrage dégage les grands traits d’une histoire qui est narrative mais aussi orientée vers des débats à cheval sur passé et présent. Les diverses démarches permettent de déterminer les spécificités de Mayotte et ses points communs avec d’autres territoires ultramarins. Mêlant une démarche d’historien, d’économiste, de sociologue, de juriste et de politiste, nous souhaitons que ce livre précise les grands tournants, enjeux et processus de l’évolution de l’île face aux grands défis de son environnement politique, économique, social. Un ensemble de spécialistes issus de l’île elle-même, ou appartenant à des disciplines académiques, ou actifs dans des champs professionnels, a été réuni pour couvrir un large champ de thématiques, d’analyses et de débats.

Bien entendu, le défi posé à Mayotte et à la France en général tourne autour du devenir de l’île dans le cadre de la départementalisation toute récente. D’amples controverses ont déjà nourri l’histoire politique et institutionnelle de l’outre-mer français et la commémoration de la mise en place de la départementalisation dans plusieurs territoires en 1946. Il s’agit de trouver l’équilibre pertinent. L’enjeu est d’autant plus sensible qu’il est nourri des controverses nées de la séparation des Comores. Au-delà de la liberté – réalité rare dans nombre de pays décolonisés – et de la fraternité, tout l’enjeu réside dans la définition de l’égalité que la République souhaite déterminer dans le processus d’intégration économique, sociale et culturelle de son nouveau département.

Nous espérons que l’histoire de cette petite île s’inscrira dans la « grande Histoire » et que ce livre suscitera de la curiosité envers cette histoire, et peut-être incitera à l’inscrire dans les débats sur le mode institutionnel, économique et social du développement de territoires encore « jeunes » sur la scène géopolitique. Le fait que Mayotte n’ait pas choisi la voie de l’indépendance, seule ou au sein des Comores, et ait au contraire préféré rejoindre la France en tant que département (d’outre-mer) constitue un levier de réflexion supplémentaire, à propos notamment de l’identité et de la singularité de l’île et de sa population, mais aussi à propos de la nécessaire coopération avec les Comores voisines et l’ensemble de la communauté économique et culturelle des contrées de l’océan Indien occidental. Notre intention est bel et bien de nourrir un tel débat, sur la base d’études académiques rigoureuses, plurielles et relativement approfondies.

nt ainsi mieux comprendre les enjeux de ces événements.