Histoire de la Société générale

Depuis 1992, un programme se déploie autour de l’histoire de la Société générale, de certaines de ses filiales ou succursales, des banques absorbées au fil du temps, de certains personnages clés, ainsi qu’autour de la contribution de la Société générale à l’histoire bancaire dans son ensemble.

Une première étape

J’ai travaillé avec la Société générale depuis 1992, grâce au directeur de la communication de l’époque, Roland Carrière, et au responsable du « Musée » et de la rubrique Histoire du journal interne Sogéchos, Bruno Mariotte. Nous avons conclu un accord à moyen terme, avec comme objectif la rédaction d’un ouvrage reconstituant l’histoire de la Société générale des origines à la nationalisation de 1945.

  • J’ai pu consulter à ma guise les archives de la banque ; elles étaient alors stockées, non classées, dans un grand dépôt situé dans la zone industrielle de Compiègne ; j’y ai conduit de longues semaines de campagnes de dépouillement, avec la chance de disposer de la faculté de travailler des journées prolongées en toute liberté, ce qui a rendu mon travail efficace et ‘rentable’. J’ai tout lu, tout ce que je pouvais dénicher, sur tous les aspects de la banque.
  • J’ai pu lire les rapports annuels et les procès-verbaux des séances des conseils d’administration de la Société générale.
  • Au Siège, alors situé boulevard Haussmann, j’ai pu lire des dossiers spéciaux de la direction.
  • Soudain, le déménagement du Siège à La Défense est devenu d’actualité ; la banque m’a alors demandé une campagne de sauvetage des archives déposées dans le sous-sol de l’immeuble ; j’ai regroupé des dizaines de mètres cubes de documents, plus ou moins épars ; j’en ai dressé un inventaire sommaire (H et un numéro), avec l’aide d’un stagiaire, élève dans un lycée professionnel de la proche banlieue ; et le tout a été chargé dans un semi-remorque qui a déposé ces archives à Compiègne. Entre-temps, j’avais lu tout ce qui concernait les années d’avant-1945.

Une deuxième étape

  • Tout en conduisant ce programme de lecture large et intensive, j’ai mené avec Benoît Mariotte une campagne de promotion du principe de création d’un véritable service historique de la Société générale, qui regrouperait les archives, le Musée, la documentation iconographique, et toute une mémoire dispersée ici et là. Finalement, au terme de plusieurs trimestres d’explication, nous avons réussi à convaincre la direction de la communication qui elle-même a obtenu le feu vert de la direction générale. Il est vrai que le déménagement de la banque et l’achat d’autres banques (Crédit du Nord, etc.) ont pu faire prendre conscience de la nécessité de valoriser la mémoire de la maison.
  • J’ai ainsi accompagné avec grande satisfaction la mise sur pied de ce service des archives historiques ; il a été installé dans un entrepôt sommaire mais pratique situé dans le 18e arrondissement parisien, à Cap 18. Sa responsable, Claire Chaumel (ensuite Claire Cottin), a mené le programme de constitution de ce service avec punch, efficacité et clairvoyance, tout en s’adaptant avec doigté à la culture organisationnelle de la banque, dotée d’une très forte culture maison. Désormais, ce service s’est érigé en département visible, utile et efficace.
  • Ce service des archives historiques a pris une dimension nouvelle quand le Crédit du Nord a été acheté par la Société générale ; en effet, nous avons été plusieurs à persuader la direction de la communication du Crédit du Nord à orienter ses propres archives vers un pôle « fédératif » commun à l’ensemble du groupe. En effet, le Crédit du Nord souhaitait se débarrasser de son entrepôt situé dans la grande banlieue de Lille tout en valorisant son propre patrimoine, sans le dissoudre dans celui de la Société générale. Aussi le service des archives historiques est-il devenu celui du « groupe Société générale » ; il fédère les archives de la Société générale elle-même, mais aussi dorénavant celles du Crédit du Nord et de la Banque de l’union parisienne, elle-même fusionnée avec le Crédit du Nord en 1974, ainsi qu’une bonne partie des archives de la banque Mirabaud, achetée par la Bup en 1953. Mais ce service a également récupéré plus tard les archives du Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie, car la Société générale a absorbé son descendant, la Société centrale de banque. Ainsi s’est érigé un énorme pôle patrimonial, à la hauteur de celui du Crédit agricole-Crédit lyonnais et de Bnp-Paribas.
  • Entre-temps, la Société générale m’a demandé de préparer un livre retraçant l’histoire du groupe en Russie, car elle était en train de recréer une entité à Moscou. J’ai effectué une mission de lecture des archives de la filiale possédée par la Société générale en Russie entre 1901 et 1918, la Banque du Nord puis la Banque russo-asiatique ; j’ai séjourné trois semaines à Saint-Pétersbourg à consulter ces archives aux Archives d’Etat ; elles comportent notamment une correspondance presque quotidienne entre la direction russe et la direction parisienne, d’où une opportunité sensationnelle de reconstruire une histoire quasiment en direct. J’ai ainsi publié La Société générale en Russie, en 1994 (voir la bibliographie), en français et en russe ; et ce livre a été réédité en 2004.
  • Dans le sillage de cet ouvrage, la banque m’a sollicité pour préparer un livre dans le cadre de la commémoration du 125e anniversaire de la succursale de la Société générale à Londres. J’ai effectué une longue mission de dépouillement des archives de cette succursale dans un dépôt situé à Birmingham ; j’ai également lu des archives à la Banque d’Angleterre et dans les archives du groupe Midland (grâce à Edwin Green). J’ai enfin recueilli plusieurs dizaines de témoignages d’acteurs de l’histoire de cette succursale tant à Londres qu’à Paris. Un texte long, scientifique, a été rédigé et multigraphié ; mais un petit livre est paru en 1996 : La Société générale au Royaume-Uni, publié en anglais et en français.
  • Dans le même, j’ai publié régulièrement une rubrique historique dans le journal interne Sogéchos.
  • En parallèle, la filiale du groupe, le Crédit du Nord, m’a sollicité pour diriger une équipe reconstituant le 150e anniversaire de la banque, créée sous le nom de Comptoir d’escompte de Lille en 1848. Avec Pierre Pouchain, qui nous a fourni sa thèse concernant le Crédit du Nord au 19e siècle, Philippe Decroix, qui a reconstitué l’histoire de Verkey-Decroix, grosse banque lilloise, et de sa successeur en 1919, la Banque générale du Nord (absorbée par le Crédit du Nord en 1932), Olivier Puydt, qui a travaillé sur l’entre-deux-guerres, et Sabine Effosse, qui a œuvré sur l’après-1945, l’histoire du Crédit du Nord a été balayée systématiquement ; de mon côté, j’ai lu toutes les archives de la Banque de l’union parisienne conservées dans les coffres du Siège du boulevard Haussmann, mais j’ai aussi utilisé un énorme matériau que j’avais accumulé en dépouillant systématiquement les archives de la BUP déposées dans un local situé à Saint-Gérand-le-Puy, dans l’Allier, dans le cadre de la préparation de ma thèse de doctorat d’Etat sur les banques françaises de l’entre-deux-guerres. Nous avons débouché sur une énorme histoire en plusieurs volumes, que j’ai rédigés en regroupant le matériau collecté par l’équipe. Sabine Effosse en a tiré plusieurs articles académiques concernant le Crédit du Nord des années 1950-1970 ; moi-même ai publié ensuite un volume retraçant l’histoire de la Banque de l’union parisienne (voir la bibliographie). Mais l’objectif était ensuite de mobiliser cet énorme texte pour livrer un ouvrage accessible à un large public, en l’occurrence les salariés, des partenaires, des clients. J’ai ainsi rédigé un texte synthétique, vivant, plutôt court – j’y arrive ! –, qui a débouché sur un bel ouvrage illustré, Histoires de banques. Le Crédit du Nord, 1848-1898 (voir la bibliographie). Certes, parvenir à ce résultat éditorial ne s’est pas fait sans tensions avec la banque, car, finalement, nombre de responsables ne comprennent pas vraiment ce que sont les exigences scientifiques des historiens ; mais tous les responsables du Crédit du Nord se sont montrés ouverts aux explications et nous avons surmonté les écueils pour aboutir à un « produit » satisfaisant pour tous et pour maintenir de bonnes relations ; d’ailleurs, l’ouvrage a bénéficié d’une seconde édition en janvier 2004 : j’ai alors mené une mini-enquête d’histoire orale pour compléter le texte de 1998 et porter le récit jusqu’au début du 21e siècle.
  • Enfin, en 1999, j’ai eu la chance, depuis mon coin de bureau à la tour Société générale, de suivre la bataille boursière autour de Paribas puis aussi de la Société générale elle-même, contre « l’ennemi Bnp ». La dircom m’a demandé de rédiger un texte retraçant « à chaud » cette bataille, sur la base des articles de presse, des rencontres fréquentes avec des responsables et d’entretiens. Ce texte multigraphié est ainsi conservé « au frais ».

Une troisième étape

  • Après cette bataille, la direction de la communication a changé d’hommes et d’esprit ; les nécessités de la communication financière sont devenues prégnantes ; la culture est devenue une branche spécialisée, tournée vers le mécénat culturel. Après cette bataille, la direction de la communication a changé d’hommes et d’esprit ; les nécessités de la communication financière sont devenues prégnantes ; la culture est devenue une branche spécialisée, tournée vers le mécénat culturel. L’histoire s’est cantonnée depuis lors dans le développement du service des archives historiques et vers une politique de prestations de services à la demande pour le réseau ou certains départements; une équipe d’historiens, de retraités et de communicants a ainsi publié dans un coffret neuf « bouquinets » thématiques qui ont servi de cadre académique à la commémoration du 150e anniversaire de la Générale, marqué par plusieurs événements de communication institutionnelle ou de convivialité, tandis que Michel Lescure organisait un colloque sur « la durabilité des banques », auquel j’ai d’ailleurs participé – mais sans être admis dans le volume des actes…
  • L’époque des « grands projets » s’est ensuite effilochée ; la création de l’entrée Histoire du site internet du groupe a affirmé la dimension historique dans la politique de communication de la banque. Dans le cadre du comité historique – où j’ai pris ma retraite en décembre 2017 après y avoir siégé depuis mai 2006, en une belle aventure humaine et intellectuelle, marquée par plusieurs colloques, dont un que j’avais co-organisé à Roubaix -, des collègues étudient certains thèmes (comptabilité, femmes, sport). Les Archives participent au programme interbancaire Des femmes qui comptent.
  • De mon côté, j’ai replié mes batteries sur le champ de bataille de l’écriture. J’ai ainsi persévéré dans la mobilisation de l’énorme stock documentaire accumulé depuis une quinzaine d’années en lisant les archives du groupe. J’ai rédigé divers articles consacrés à l’histoire de la Société générale ou de ses filiales (voir la bibliographie). J’utilise mes données pour des interventions thématiques d’histoire bancaire (sur la Sogenal, sur l’histoire de certaines places bancaires, etc.). Ce programme se relie ainsi aux autres programmes (Histoire ultramarine ; Histoire des Balkans et de la Méditerranée nord-orientale ; Histoire des banques en Asie ; Histoire de l’internationalisation des banques françaises, etc.).
  • L’essentiel de ce « grand projet » concerne la rédaction d’une histoire de la Société générale entre 1864 et 1945. Un premier tome porte sur les années de fondation et d’émergence de la banque, entre 1864 et 1890; il a été publié en 2006.
  • Un second tome (avec deux volumes) porte sur les années 1890-1914; il a été publié en 2018.
  • Le troisième tome est paru en 2023 et porte sur la Grande Guerre et l’immédiat après-guerre, en 1914-1921.
  • Enfin, deux autres tomes sont prévus, le premier sur les années 1922-1939 et le second sur les années 1940-1946.